Lutte contre les violences sexuelles : de fausses polémiques et de vraies avancées

Mardi soir, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes. Ce texte apporte de nouvelles protections aux femmes et aux enfants en particulier. J’ai bien sûr voté pour ce texte et je suis profondément indignée, vu les enjeux, par la tentative d’instrumentalisation politique de ces derniers jours. Le point sur les mesures.

Ce texte, il est juridiquement complexe, mais il porte des mesures très simples et très fortes. Je comprends donc parfaitement que certains points puissent demander des précisions. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons largement échangé, par exemple avec les associations, pour rappeler quelle était la portée de ces nouvelles mesures.

De fausses polémiques … avec des arrières-pensées politiques ?

Par contre, devant la gravité des enjeux, je ne peux pas tolérer qu’une partie de l’opposition fasse de la désinformation à des fins de récupération politique.

J’ai ainsi par exemple lu qu’avec ce projet de loi :

  • Fake News 1 – le viol, qui est un crime, deviendrait un délit : c’est ABSOLUMENT FAUX. Le texte renforce au contraire les moyens à disposition du juge pour caractériser le viol, c’est à dire le prouver.
  • Fake News 2 – on créerait un nouveau délit d’atteinte sexuelle, moins fort que le viol : c’est ABSOLUMENT FAUX. Ce délit existe depuis plus de 15 ans et permet de condamner les rapports sexuels entre majeur et enfant de moins de 15 ans, lorsqu’il n’y a pas contrainte. C’est pour cela que la majorité sexuelle existe. La correctionnalisation des agressions sexuelles dépasse d’ailleurs les 90%, depuis 2012 : nous donnons avec ce projet de loi au contraire de nouveaux moyens pour éviter cela en facilitant la démonstration du viol.
  • Fake News 3 – on permettrait à des violeurs sur mineurs de ne pas être condamnés : c’est encore une fois ABSOLUMENT FAUX. Au contraire, on se donne les moyens pour éviter de nouveaux acquittements qui ont pu dans des affaires judiciaires récentes largement émouvoir et scandaliser.

Je m’interroge sincèrement sur les motivations et l’irresponsabilité de ceux qui propagent volontairement ces fake news. Se posent-ils la question des conséquences vis-à-vis des victimes, mais aussi du signal envoyé aux prédateurs sexuels et criminels dont certains pourraient penser aujourd’hui que le cadre juridique s’assouplit, alors que c’est exactement le contraire.

Retour donc en détail sur les 4 articles de ce texte, disponible ici.

Article 1 : allongement du délai de prescription pour les viols commis sur mineurs 

Le délai de description des viols sur mineurs est porté de 20 à 30 ans (après l’atteinte de la majorité par la victime).

Cela veut dire que les victimes pourront porter plainte jusqu’à leur 48e anniversaire. C’est important, car souvent la parole met énormément de temps à se libérer, à cause du traumatisme, ou bien les victimes peuvent souffrir d’une amnésie-post-traumatique.

Article 2 : de nouveaux moyens pour punir les viols et les agressions sexuelles contre les mineurs de moins de 15 ans 

Aujourd’hui, pour prouver un viol il faut montrer qu’il y a eu soit menace, soit contrainte physique, soit contrainte morale, soit surprise. Cet impératif juridique fait qu’on a vu dans le passé des procès où l’accusé était acquitté, malgré le fait que le rapport sexuel avec l’enfant était avéré. La loi change pour éviter cela.

  • la définition juridique du viol est enrichie, et précisera désormais que la contrainte morale ou la surprise peuvent résulter “de l’abus de l’ignorance de la victime ne disposant pas de la maturité et du discernement nécessaire pour consentir à ces actes.” Concrètement, cela veut dire que l’on peut désormais constater plus facilement le viol en le caractérisant sur la base de l’immaturité de la victime et cela permettra donc de qualifier en viol des situations qui n’auraient pas pu l’être sans le projet de loi. Cette disposition sera applicable sur les affaires en cours et a été préférée à une autre solution qui consistait à qualifier de viol tout rapport sexuel avec un enfant de moins de 15 ans, mais qui présentait un risque extrêmement important d’inconstitutionnalité comme l’a souligné le Conseil d’État dans son avis rendu au gouvernement. Un risque que nous ne pouvions pas nous permettre, après l’expérience dramatique de la loi sur le harcèlement sexuel en 2012 jugée inconstitutionnelle après son adoption.

Contrairement aux critiques qui sont faites au texte, ce projet de loi aura donc pour effet de limiter le recours à la technique de la correctionnalisation (qui permet de disqualifier les faits de viol en délit pour renvoyer l’auteur devant le tribunal correctionnel) puisque, justement, ce projet de loi permet d’établir plus facilement la contrainte en qualifiant de viol des situations qui ne pouvaient pas l’être avant le projet de loi. Pour rappel, depuis 2012, la correctionnalisation des infractions sexuelles dépasse les 90%.

  • par ailleurs, le projet de loi impose désormais au juge, pour les affaires concernant des jeunes de moins de 15 ans, de poser la question subsidiaire de la qualification d’atteinte sexuelle. Cela veut dire que le président de la Cour d’assises, dans l’hypothèse où la qualification de viol serait contestée, sera désormais obligé de prévoir en second recours une qualification d’atteinte sexuelle afin que l’auteur ne reste pas impuni, comme cela a pu être le cas dans des affaires précédentes.

Et parce qu’il est nécessaire de punir également plus fortement ces “atteintes sexuelles”, le projet de loi renforce largement ces peines : 

  • elles passent de 5 à 10 ans de prison en cas de pénétration ;
  • elles passent de 5 à 7 ans en cas d’atteinte sexuelle sans pénétration.

Cet article 2, qui a été le plus polémique, a d’ailleurs reçu un avis favorable du Défenseur des droits

Comme je le défendais il y a plusieurs mois, nous mettons donc en oeuvre les moyens pour qu’il ne soit pas possible pour des majeurs d’avoir impunément des relations sexuelles avec des enfants de moins de 15 ans. 

Article 3 : permettre de sanctionner le “cyberharcèlement en meute”

Dans les faits, le harcèlement ce n’est pas toujours l’oeuvre d’une seule personne. En ligne par exemple, cela peut prendre la forme de beaucoup de personnes qui, par des messages séparés et pas forcément répétitifs, vont par exemple harceler quelqu’un sur les réseaux sociaux.

Or aujourd’hui, il y a un vide juridique. Le harcèlement doit pour pouvoir être prouvé être l’oeuvre d’une seule et même personne.

Pour remédier à ce problème, la loi va permettre de condamner un groupe d’individus qui s’adonne à du harcèlement collectif en ligne, via des raids numériques sur les réseaux sociaux par exemple.

Article 4 : permettre de sanctionner le harcèlement de rue 

Dans la rue, le harcèlement est un vrai problème. La loi va désormais permettre de lutter contre ces comportements intolérables et de les sanctionner.

Ils pourront être constatés par les forces de police directement dans la rue et être verbalisés :

  • 90 euros d’amende si elle est réglée immédiatement, et jusqu’à 750 euros ;
  • 1 500 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes ;
  • 3 000 euros d’amende en cas de récidive.

Lutter contre le harcèlement, cela passera bien sûr par la loi et ces avancées sont donc importantes. Mais il faut aussi changer les comportements, comme nous avons pu largement échanger sur le sujet lors d’un atelier citoyen spécifique à ma permanence d’Argenteuil cette semaine.

D’autres combats qu’il faut continuer à mener 

Cette loi, c’est une avancée qui est donc très importante. Et, quand on rentre dans le détail, on voit bien que les critiques sont au mieux infondées, au pire manipulatrices.

D’autres mesures ont été décidées sur le sujet des violences, comme par exemple :

  • la création dans les centres hospitaliers d’unités spécialisées dans la prise en charge globale du psycho-trauma (10 expérimentations à lancer en 2018) et la prise en charge des soins psycho-trauma pour les victimes de violences ;
  • le développement de la possibilité de porter plainte dans les différents lieux de prise en charge des victimes, comme les hôpitaux par exemple ;
  • la création d’un signalement en ligne pour les victimes de harcèlement, de discriminations et de violences avec la création d’une brigade numérique ;
  • la mise en place de contrats locaux contre les violences dans tous les départements pour que les Préfets, les magistrats, les hôpitaux et les associations disposent d’un système d’alerte en réseau et d’un secret professionnel partagé pour mieux prendre en charge les victimes …

D’autres combats restent à mener, et vous pouvez compter sur mon engagement à ce sujet :

  • pour promouvoir l’égalité professionnelle, avec le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui va comporter plusieurs mesures pour lutter contre les inégalités salariales notamment ;
  • pour faire de l’égalité un combat dès l’école : avec la mise en place à partir de la rentrée prochaine de référents égalité dans tous les établissements scolaires de France ;
  • pour promouvoir l’accès des femmes aux filières et métiers scientifiques : avec un objectif de 40% de femmes dans ces filières en 2020.

Sur ces enjeux d’importance, n’hésitez bien sûr pas à me contacter pour que nous échangions ensemble sur les actions concrètes que nous pouvons mener à Argenteuil et à Bezons. Tout le monde a son rôle à jouer et nous continuerons ensemble à avancer, malgré les manipulations et les fake news !

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